Nous devons offrir aux locataires toute une palette de services
Développeur et investisseur, Bricks mise sur la qualité pour répondre aux besoins des utilisateurs et les fidéliser. Cette qualité passe par une grande maîtrise des projets. Entretien avec son directeur José Gonzalez.
Cet entretien a été mené dans le cadre du dossier de la revue TRACÉS (janvier 2024) sur la relation entre les architectes et les promoteurs
TRACÉS: Quel est votre modèle d’affaires ?
José Gonzalez: Nous sommes un family office fondé en 2010. Le bureau de Genève a été créé en 2018. Nous sommes à la fois développeurs et investisseurs. Cette particularité nous permet de penser et de concevoir nos projets avec une vision à long terme pour une conception et une exploitation maîtrisées. Nous finançons nos propres opérations et, en fonction des opportunités, nous vendons certains biens avec la condition de pouvoir les piloter dans le respect de nos engagements de durabilité et de qualité. Nous intervenons sur des grands périmètres comme opérateur urbain, notamment à Bâle ou à Genève, où nous développons 550 logements et un pôle santé social de 14’000 m2 en partenariat avec la Commune de Plan-les-Ouates.
Quels sont vos objectifs en termes de qualité urbaine et architecturale ?
Notre objectif final, c’est la satisfaction du locataire. Il faut répondre à ses attentes et à l’évolution du marché afin qu’il reste le plus longtemps possible dans nos immeubles. La qualité du logement ne suffit plus et, pour cela, nous devons lui offrir, à l’échelle du quartier, toute une palette de services : des activités en pied d’immeubles propices aux rencontres, du commerce, une mobilité repensée, des espaces publics de qualité, des aménagements extérieurs conçus durablement (pleine terre, arbres, biodiversité) et des espaces communautaires, une vraie mixité sociale et enfin des mesures énergétiques durables. En tant qu’opérateurs, nous travaillons en partenariat avec les autorités communales et cantonales pour préciser les programmes et offrir cette animation, avec des rez-de-chaussée actifs par exemple – grâce à des équations économiques qui nous permettent de financer la mise à disposition gratuite de ces surfaces.
Actuellement, en zone de développement, ces nouveaux services, combinés avec le niveau de qualité exigée de nos projets, l’explosion des taux et l’augmentation du coût des matériaux, ont créé une certaine tension et de l’incertitude bien que le taux de vacance soit bas, rendant plus difficile le développement des projets. Les loyers sont certes contrôlés par les autorités, mais ils n’ont pas fait l’objet d’une réévaluation suite à la conjoncture défavorable que nous subissons depuis quelques trois ans.
Nous construisons des logements dont les loyers sont un peu plus chers que certains opérateurs, tout en étant situés dans le barème du contrôle, parce que nous voulons qu’ils soient pérennes et qu’ils offrent plus de confort aux locataires. Nous privilégions l’habitabilité, la générosité spatiale, l’aspect pratique, la qualité des prestations et un logement totalement équipé. À Trèfle d’Or à Lancy ou au Rolliet à Plan-les-Ouates par exemple, nous avons conçu des vides d’étage à 2,75 et 2,72m, bien plus généreux que les standards des PPE, ou des logements sociaux avec des balcons systématiques à 2,50m de largeur. L’utilisateur est au centre, c’est à lui qu’il faut répondre. L’habitabilité et la qualité du logement restent des valeurs cardinales de notre ADN, indépendamment de la conjoncture.
Comment travaillez-vous avec les architectes ?
C’est notre rôle de maître d’ouvrage et de pilote de donner les grandes directions et de laisser s’exprimer la créativité des architectes, tout en étant vigilants sur les choix liés à l’exploitation et à la maintenance de nos ouvrages. Sur le projet Trèfle d’Or à Lancy, nous avons proposé de la pierre en façade à l’architecte Jaccaud & Associés. Un choix plus cher au départ, mais dans le temps les coûts de maintenance et de réfection sont bien moins onéreux. C’est un choix gagnant-gagnant, surtout dans ce périmètre en zone de développement et très bien situé. Ce contre-exemple démontre que nous pouvons faire des objets qualitatifs dans ces zones contrôlées. Seul hic, le projet a été développé juste avant la hausse des matériaux et des taux.
Nous sommes très favorables aux concours d’architecture et d’urbanisme et aux MEP qui apportent une grande richesse et diversité au projet, en partenariat avec les autorités. Ils nous obligent à sortir de notre zone de confort mais permettent aussi un développement plus rapide et de déroger parfois au PLQ, comme le prévoit la LGZD. C’est ce que nous avons fait à Trèfle d’Or par exemple.
Les architectes avec qui nous travaillons sont à l’écoute et viennent avec des solutions et c’est bien cela que nous demandons. Les maîtres d’ouvrage ont suffisamment de problèmes, ils ont besoin que l’architecte soit un facilitateur. Nous mettons en œuvre des matériaux de qualité avec des logements équipés (à la suisse allemande) mais nous sommes exigeants sur les détails de construction parce que, d’une part, nous préférons investir dans les aspects qualitatifs ou les équipements et, d’autre part, si les détails ne sont pas éprouvés ou mal maîtrisés, les coûts d’exploitation et de rénovation pendant la vie de l’objet peuvent exploser. Nous ne voulons pas réinventer la roue sur ces sujets et nous le faisons savoir à nos partenaires architectes.
Au stade de la réalisation, quel modèle privilégiez-vous ?
La réalisation et la direction des travaux sont devenues un métier à part entière qui se spécialise de plus en plus, avec une qualité de main d’œuvre qui s’est détériorée avec les années. De plus en plus de bureaux d’architectes délèguent cette tâche à des bureaux spécialisés dans la direction de travaux; les maîtres d’ouvrage mandatent aussi des entreprises générales et sont accompagnés par des conseils ou des pilotes. Pour nous, il est important de ne pas créer de rupture dans la chaîne de valeur du projet et de maîtriser notre projet selon nos critères et exigences qualitatives et financières, du début à la fin du processus. C’est pour cette raison que nous pilotons nos opérations, avec l’aide d’assistants à maîtrise d’ouvrage technique et de nos architectes et une direction générale de projet pour les projets d’importance ou de quartier, dans un souci de maîtrise du produit et de la qualité.
Quelle est votre stratégie vis-à-vis des labels ?
Il est important de préciser que le family office se positionne comme acteur de la transition énergétique et ses ambitions énergétiques sont fortes. Par exemple sur le projet du Rolliet, nous allons signer très prochainement avec les SIG pour un approvisionnement CAD «zéro fossile», une première à Genève pour un projet de logements. Le bâtiment réalisé au Trèfle d’or à Lancy est exploité avec une production d’énergie 100% renouvelable. Par ailleurs, nos projets sont labellisés, ce qui leur permet d’être benchmarkés et valorisés dans nos portefeuilles. En fonction des particularités de chaque canton, il nous arrive de viser des standards comme le THPE à Genève, généralement accompagné du label Minergie P, comme au Rolliet. Suite aux évolutions de certains labels suisses, comme la disparition du Site 2000 watts et la création du label SNBS étendu au quartier, nous réfléchissons à uniformiser notre stratégie de labellisation bâtiment et à l’échelle du quartier.
Nous pensons que les projets non labellisés perdront de la valeur à terme. Par ailleurs, nous constatons que de plus en plus de plans de quartier développent de très bonnes valeurs intrinsèques et qu’il serait dommage de passer à côté d’une labellisation de quartier, comme au Rolliet par exemple.
Source : www.immobilier.ch